
Les dragons de Nikko
Je profite d’un weekend de trois jours pour faire un petit séjour sur Nikko, patrimoine naturel et culturel au nord de Tokyo.
La ville compte environ 80 000 habitants et se situe dans la préfecture de Tochigi. J’emprunte la Tobu Line depuis la gare de Kita senju, à Tokyo. Cette ligne ferroviaire a l’avantage d’être rapide et économique. Il est par contre nécessaire de réserver son billet à l’avance, ce que j’ignorais avant mon départ. J’achète donc mon titre de transport sur un distributeur de la gare. Le rythme des départs est assez soutenu sur la journée ce qui laisse le choix sur les horaires. Le trajet prendra environ deux heures jusqu’à Tobu Nikko.

A mon arrivée, il est treize heures environ et je décide de me rendre à pied jusqu’au temple Toshogu, ce qui me prend environ trente minutes depuis la gare. Le lieu se situe dans le parc national de Nikko qui abrite plusieurs sanctuaires. Le Toshogu est le plus connu mais aussi le plus touristique. Cela m’avait fait hésiter à m’y rendre, ayant une préférence pour les chemins de traverse. Mais l’architecture du temple semble vraiment valoir le coup d’oeil et cela finit par me décider. Malgré le grand nombre de visiteurs, le lieu est effectivement grandiose. Il a été construit en 1617 par un Seigneur de l’époque et il fait désormais partie du patrimoine mondial de l’humanité en tant qu’important lieu sacré.








Un lieu a particulièrement retenu mon intention. Il s’agit du Nakiryu, une énorme fresque peinte sur le plafond du temple et représentant un dragon. Un moine nous fait une curieuse démonstration. En frappant deux morceaux de bois sous la tête du dragon, cela crée un écho particulier grâce à la forme voûtée du plafond. Cela contribue à la sacralisation du lieu et a donné son nom à la fresque, la voix du dragon. Des dragons, il y en a d’ailleurs partout dans l’enceinte du parc. Que se soit en sculpture, en peinture, en fontaine, en porte-bonheur, en cascades etc. Ils sont un symbole de force et de prospérité. L’année qui vient de commencer étant sous ce signe, je décide de faire un vœu. Que l’année du Dragon soit propice !

Des stands de nourriture s’alignent le long d’une grande allée à l’entrée du parc. Il est facile de s’y restaurer que se soit en saveurs sucrées ou salées.

Le deuxième jour, je me rends dans un lieu nommé Kanmangafuchi. C’est un vallon qui longe un torrent et le long duquel il est possible de se promener. Des jizo bordent le chemin. Les statuettes alignées sont la représentation d’un bodhisattva protecteur des enfants, des voyageurs et qui peut guider les âmes dans l’autre monde. Le bonnet et la bavette rouge sont un signe de protection pour les enfants décédés très tôt. Le mythe dirait que leurs âmes construiraient des tours avec des pierres pour leur parents restés vivants. Mais les démons viendraient la nuit détruire leur travail. Des passants entassent donc des cailloux pour aider les âmes des enfants à être protégés des démons.




Les jizo sont très courant au Japon sur les lieux de passage, les carrefours. Ils sont le lien entre le profane et le sacré et leurs vêtements, confectionnés à la main, sont une façon au donneur d’interagir avec le bodhisattva. Les jizo ont un lien étroit avec les âmes esseulées en les protégeant (tombes abandonnées, enfants mort-né, avortement etc)



Je suis seule sur le chemin ce qui dénote avec l’affluence touristique de la veille. Le temps est froid et sec. J’ai donc prévu de pousser ma balade jusqu’au Nikkowanoshiro onsen pour profiter des bains chauds. Je ne me lasserai jamais de profiter des rotemburo, bassins extérieurs souvent agrémentés de rochers avec une vue sur la nature alentour. Alors que je me détend dans l’eau chaude, mes yeux se reposent sur le sommet de la montagne que j’ai prévu de gravir le lendemain.
Sur le chemin du retour, je fais un détour par un second temple de Nikko, moins touristique que le premier mais au charme singulier.





J’ai le plaisir de constater qu’il a neigé pendant la nuit! Me voilà donc partie, emmitouflée et bottes aux pieds, pour une randonnée d’une vintaines de kilomètres. Je prends un bus à quelques pas de mon hôtel, direction le lac Chuzenji à environ 40 minutes de mon point de départ. La compagnie Tobu dessert régulièrement les divers lieux touristiques de la région de Nikko.

A mon arrivée, le froid est intense et le vent mordant. Moins dix degrés est indiqué au thermomètre. Heureusement, le temps semble vouloir se dégager. Je longe le lac pour ensuite entamer l’ascension du mont Hangetsu qui culmine à 1723 mètres. Le sentier devient ardu et je prend conscience que des crampons et des bâtons m’auraient été très utiles. Mais l’effort est récompensé par des points de vue superbes sur les montagnes environnantes. Je ne croise qu’un randonneur et quelques cerfs. Les ours, quant à eux, doivent dormir sur leurs deux oreilles. Seul le bruit du vent dans les arbres m’accompagne. La neige n’est pas épaisse mais les bourrasques sur les crêtes ont camouflé quelques trous qui m’engloutissent jusqu’au genou dans la poudreuse. Randonner sur les sentiers de montagne au Japon en été n’est déjà pas aisé mais cela demande beaucoup de concentration en hiver. Heureusement le sentier est balisé par des bornes rouges ou de petites banderoles accrochées aux branches. Des cordes s’alignent le long des sections compliquées. Je m’en sers rarement à la belle saison mais elles s’avèrent cette fois très utiles !









A l’approche de mon point d’arrivée, je me rends compte que le téléphérique que je dois rejoindre est exceptionnellement fermé et aucun accès n’est disponible pour descendre la crête. Je suis un peu déconcertée et je décide de rebrousser chemin pour rejoindre une intersection vue précédemment. Le sentier n’est indiqué sur aucune carte mais il est balisé et semble rejoindre la vallée en contre-bas. Je décide de l’emprunter, craignant de finir la randonnée dans l’obscurité sur un terrain glissant si je rebrousse chemin pour rejoindre la route la plus proche. Elle se trouve tout de même à quelques kilomètres. La nuit n’arrive que dans deux heures mais je sais que l’obscurité peut rapidement s’installer en montagne. Je force le pas mais mon GPS me confirme que la direction est bonne. Je suis soulagée de rejoindre une route qui me mènera à mon point de départ. Cette petite aventure aura eu l’avantage de me faire connaître un itinéraire un peu secret mais finalement bien utile. Il sera ajouté à ma carte pour mes prochaines randonnées.
Après un muffin et un thé matcha pris dans un café, je rejoins mon arrêt de bus pour descendre à la gare de Nikko et retourner sur Tokyo.


Cette virée dans un Japon traditionnel aura été une très belle découverte. Nikko est relativement proche de Tokyo et peut se faire en toute saison !
